mercredi 19 octobre 2011

Au cœur des Chiapas

Les mayas ont une peur viscérale des appareils photo. Je n'ose sortir le mien qu'à l'intérieur de San Cristobal de las Casas, où nous logeons. La petite ville pittoresque est suffisamment gringo-isée entre les intarissables touristes et les abondants néo-hippies qui y ont élu domicile et qui concorrencent déloyalement l'artisanat local.

Dommage, il y a des photos qui se perdent : Junco aux yeux jaunes notamment à San Juan Chamoula, ainsi que ces Bruants chingolos, au registre vocal varié, qui chantent sous le radieux soleil matinal. Il faudra se contenter des photos prises l'après-midi, souffrant d'un des ciels les plus ténébreux d'avant-orage que nous ayons connu. Voilà donc ces fringilles qui ont pris la place qui était celle des Roselins familiers à Oaxaca ou Puebla :

Bruant chingolo - Rufous-collared Sparrow
 


La balade, un peu au hasard, dans la ville, qui nous mène finalement au "jardin botanique" (sorte de friche boisée à flanc de colline, à l'Ouest de la ville), est néanmoins l'occasion de cocher mon premier trochilidé (colibri). Non que ce soit le premier croisé, mais ce Saphir à oreilles blanches est le premier à se poser et à se laisser identifier. Pas de photo, n'en demandez pas trop. 

Commun, le Tohi tacheté et très fort à cache-cache. Voilà à peu près tout ce que j'ai pu tirer de lui.
Tohi tacheté - Spotted Towhee

À part ces deux-là : Moucherolle des Coues (entre autres Gobemouches non identifiés), de nombreux gros papillons, des anisoptères bleus et bruns, un Troglodyte non identifié. Le jardin botanique est infesté de chenilles en tous genres. En redescendant vers la ville, nous croisons un imposant Papillon-Deuil (Black Witch Moth), mauvais présage selon certaines cultures s'il rentre chez vous.


Papillon-deuil

En ville, de très nombreuses Hirondelles rustiques qui nourrissent. That's all folks !

Hirondelle rustique

mercredi 12 octobre 2011

Cañon del Sumidero

Le lendemain de notre longue route à travers bois, peu de kilomètres à faire entre Tuxtla Gutierrez et San Cristobal de las Casas. On prévoit dans la journée la visite du Cañon del Sumidero et celle du parc naturel du même nom, qui s'avérera hélas être fermé. Nous nous contenterons donc de cette heure et demie à bord d'un frêle esquif, en compagnie d'une dizaine d'autres touristes. 

Mon 300mm dans la manche de mon K-Way pour éviter qu'il ne prenne l'eau, nous voilà partis à toute blinde dans ce canyon creusé par le fleuve Grijalva et dont la hauteur totale (parties émergées + immergées) est annoncée par notre guide à mille mètres. Il semblerait cependant que cette hauteur soit un peu exagérée. Le site n'en reste pas moins majestueux. 

Les premiers oiseaux n'ont pas attendu le bateau pour être observés : l'embarcadère est fréquenté par quelques-unes de ces magnifiques Hirondelles des mangroves aux reflets verts. Ne tardent pas à passer quelques Dendrocygnes à ventre noir et les premiers Cormorans vigua

Hirondelle des mangroves - Mangrove Swallow
Hirondelle des mangroves - Mangrove Swallow
Dendrocygne à ventre noir - Black-bellied Whistling Duck

Cormoran vigua - Neotropic Cormorant
L'un des arguments touristiques majeurs du site est sa population de Crocodiles américains, que nous avons l'occasion de voir de très près. Finalement, ils ont l'air assez inoffensifs... c'est en tout cas ce qu'a l'air de penser ce chevalier grivelé qui vient se nourrir sous leur nez. 



Chevalier grivelé - Spotted Sandpiper


Le spot le plus faste côté oiseaux est certainement cet étranglement qui retient une quantité impressionnante de détritus charriés par le fleuve. Une véritable île flottante faite de déchets d'origine humaine et végétale où viennent se nourrir un grand nombre d'échassiers : Aigrette neigeuse, Grande Aigrette, Bihoreau gris, Aigrette bleue, Grand Héron. Malgré la vitesse réduite, l'hélice de notre barque ne ressort pas indemne de cette nappe...

Grand Héron - Great Blue Heron
Bihoreau gris - Black-crowned Night Heron

Aigrette neigeuse - Snowy Egret
Aigrette bleue - Little blue Heron
Aigrette bleue - Little blue Heron
Grande Aigrette - Great white Egret
Aigrette neigeuse - Snowy Egret

Évidemment, l'oiseau le plus représenté est l'Urubu noir, dont les talent d'éboueur sont fortement mis à contribution à cet endroit. Il en a même un qui s'attaque à la dépouille d'un de ses partenaires.

Urubu noir - Black Vulture
Urubu noir - Black Vulture

Urubu noir - Black Vulture
Urubu noir - Black Vulture
Un peu plus loin, le canyon s'élargit avant le barrage Chicoasén. C'est ici que l'on trouve de nombreux Pélicans bruns, ainsi qu'une colonie importante de Cormorans vigua. Pris d'une frénésie collective d'origine inconnue, un groupe d'environ deux cent individus longe les rives de la retenue d'eau.

Pélican brun - Brown Pelican
Pélican brun - Brown Pelican
Pélican brun - Brown Pelican
Pélican brun - Brown Pelican
Cormoran vigua - Neotropic Cormorant
Pour compléter les observations, un vol de trois couples de perruches non identifiées, un Martin-Pêcheur à collier et deux Singes-araignées contactés de loin. Dommage tout de même que nous n'ayons pu explorer les hauteurs du parc national.

À signaler par ailleurs à Tuxtla : une colonie d'Étourneaux sansonnets et des Quiscales à longue queue en nombre, qui nous survolent en rase-mottes à l'approche de l'orage de la mi-journée.

mercredi 5 octobre 2011

De Oaxaca aux Chiapas

Problème pour rejoindre Tuxtla Gutierrez : entre Oaxaca d'où nous partons et les Chiapas, cinq cent kilomètres de forêt tropicale et de montagne, traversés par des routes très incertaines par-dessus le marché. 
Un calculateur d'itinéraires routiers en ligne (que je ne citerai pas) nous conseille  même de rebrousser chemin vers Puebla et de prendre la cuota qui traverse l'état de Veracruz d'Ouest en Est. Un trajet de plus de huit cent kilomètres. 
Il est tentant d'emprunter la route la plus directe, qui longe le versant pacifique de l'isthme, d'autant qu'elle est riche en spots ornitho, mais nous ne parvenons pas vraiment à savoir si elle est complète. Le spectre des révolutionnaires zapatistes hostiles aux touristes de notre espèce, qui y seraient particulièrement actifs d'après nos guides touristiques, finit par nous en dissuader. 
Nous optons pour un troisième choix : traverser deux cent kilomètres de forêt et de montagne vers le nord et retrouver la cuota de Veracruz en son milieu. Temps prévu : environ huit heures. Nous partons aux premières lueurs, vers sept heures, et n'arriverons que treize heures plus tard, arrêts pipi, repas et quelques égarements notoires compris.

La première partie de la route n'est pas rassurante. Visibilité minime, route de montagne étroite et sinueuse. Cette maudite boîte de vitesses automatique n'arrange rien, mais la route n'en est pas moins superbe : de la forêt à perte de vue, des montagnes, des nuages... Quelques oiseaux traversent la route rapidement devant la voiture : un perroquet non identifié, Tangaras rouges et noirs, Parulines... Un Urubu à tête rouge particulièrement intrigué nous suit sur quelques centaines de mètres et vient cercler au-dessus de moi très bas. Un peu à contre-jour mais merci pour la photo plein cadre !
 
Urubu à tête rouge - Turkey Vulture
Tout aussi curieux, deux adorables Bruants roussâtres se postent sur le bord de la route pour nous observer.

Bruant roussâtre - Rusty Sparrow
Le grisant sentiment de perte que procure cette immensité sauvage est sublimé par l'incroyable chant des cigales locales. Il nous frappe de plein fouet lors de la première pause, après que les dernières notes de Liberation Music Orchestra ont résonné dans l'habitacle. Je regrette un peu de ne pas avoir pris plus de temps pour tenter un meilleur enregistrement, mais nous étions déjà inquiets de la distance qu'il nous restait à parcourir... Montez le volume néanmoins pour cet extrait (attention il y a du trafic, aussi) et j'espère que vous savourerez autant que moi ce son, qui peut évoquer une scierie à plein régime ou le sifflement amplifié d'une tuyauterie domestique en fin de vie. Délectable.



Plus de quatre heures après être partis, nous sortons de la forêt et commençons à infléchir notre route vers l'Est. C'est là que les vrais ennuis commencent, avec une signalisation lapidaire, un GPS au service minimum et des routes qui se dégradent à vue d’œil. Il y a de quoi paniquer lorsqu'il y a tant d'ornières qu'on ne peut pas rouler à plus de cinq kilomètres à l'heure et que les personnes à qui nous demandons notre chemin se contredisent l'un l'autre avec des moues sceptiques...

Soudain, nous retrouvons une route digne de ce nom... Il faudra attendre (et chercher) encore un peu avant d'être tout à fait rasséréné et de rouler à bonne allure vers Tuxtla. Il reste quatre cent kilomètres.

Revenons aux oiseaux. Après les tête rouge, les Urubus noirs se montrent à leur tour familiers lorsqu'ils viennent défier le trafic pour un mammifère écrasé. Une Buse à gros bec a aussi une idée en tête, à la manière dont elle survole l'endroit.

Urubu noir - Black Vulture

Buse à gros bec - Roadside Hawk

Peu avant de repiquer vers le Sud et les Chiapas, nous traversons des plaines humides qui nous donnent un avant-goût de celles du Yucatan. À chaque halte, quelques observations : Talève violacée, Grande Aigrette, Héron vert, Jacana du Mexique... Beaucoup de Sporophiles variables et leur chasse caractéristique faite de petits vols rigoureusement verticaux depuis leurs perchoirs. Une jeune Buse noire surveille une mare. Pour compléter la série de Buses, quelques Buses à gros bec (bien nommées Roadside Hawk en anglais) et une superbe Buse à tête blanche (Black-collared Hawk)...

Jacana du Mexique - Northern Jacana
Sporophile variable - Variable Seedeater

Buse noire - Common black Hawk imm.
 Pour couronner cette journée sur la route, la traversée de la retenue de Malpaso nous permet d'observer quelques Hirondelles à front blanc et nos premiers Pélicans bruns. Enfin à Tuxtla, le temps de trouver l'hôtel et d'aller manger. La pluie torrentielle qui tombe sur le toit en plastique du restaurant fait plus de bruit que les xylophones sur-amplifiés joués par les serveurs (une tradition locale, semble-t-il). J'en ai même oublié ce que nous avons mangé, alors que j'y prête en général une attention particulière. Pour la première fois du voyage, je suis totalement déboussolé.